20 jours au service des enfants traumatisés par la guerre, qui ne demandent qu’à rire, jouer, dessiner, apprendre, découvrir, rencontrer, dormir en paix et vivre enfin… en Liberté !

J’ai toujours peint la guerre et les conflits, depuis mes premières toiles, les anciennes batailles d’Allemands, Américains, Anglais, sans doute en souvenir, gamin, de ma passion bizarre pour les films de guerre, les comix, les petits soldats Airfix, les maquettes de chars et d’avions.

J’ai grandi dans l’insouciance et le bonheur de vivre dans une Europe Occidentale, en paix avec elle-même, une sorte de royaume de Oui-Oui où tout tourne rond. Téléspectateur d’une Europe Centrale qui boue et implose — Roumanie, Serbie, Sarajevo, Kosovo — j’en ai fait des peintures, des affiches de soutien ou des dessins qui dénoncent.

Un jour, les Russes passent la frontière Ukrainienne pour une “opération spéciale”, crois-tu. Très spéciale même : massacres et bombardements de civils… LCI nous propose sa série quotidienne, de jour comme de nuit, “Plus belle la vie” version “Bienvenue en enfer”, éclairage de spécialistes, de reporters, de généraux et d’Ukrainiens francophones. C’est terrifiant, on parle de résilience, d’héroïsme, c’est fascinant, ça se passe à 3300 km de Bordeaux. C’est la sidération ! On compatit, on soutient, on envoie des armes et des biens, on est solidaire…

En 2023, j’organise une exposition Bleu, Jaune et Liberté sur la place publique avec le soutien de la Mairie de Bordeaux, puis une vente aux enchères de mes œuvres au profit d’Ukraine Amitié, à l’Institut Culturel B. Magrez. Ça fait du bien, la conscience apaisée…
Tous concernés !

J’aurais pu en rester là… La guerre lasse… Puis le 7 octobre dans les kibboutz, Gaza, le Liban, la Syrie, Trump, la crise économique, la dette, la montée des nationalismes, le dérèglement climatique, l’Alzheimer de ma mère, les AVC et cancers des copains… Birdel de BDM, pense à toi et aux tiens, peins l’amour et les choses légères, écris des chansons Snoc, profite bien, voyage voyage !!!
Tous bernés !

Récemment, Martin Duplantier, mon cousin architecte à Paris et à Kiev, très impliqué dans l’étude de la reconstruction en Ukraine, me propose un trip pas très cathodique : me rendre en Ukraine pour peindre !

Il connaît mon implication (très relative) par mes peintures sur le conflit russo-ukrainien. Martin a de nombreux contacts sur place pour y passer une semaine par mois, à se déplacer dans tout le pays et à faire l’inventaire des destructions du patrimoine architectural de l’Ukraine. Martin propose mes services à la Mairie de Mykolaïv.

C’est l’emballement, je dis oui ! Bien sûr ! Je suis partant, pas d’hésitation, tout ça a du sens, du sens difficile à expliquer pour les miens, pour les proches…
« Tu te vois seul à Mykolaïv, à seulement 60 km de la ligne de front, à peindre tes totos sur des murs ? »

C’est vrai que seul, c’est space, je ne maîtrise même pas bien l’anglais. Soit ! J’en parle à Charles, ami et complice depuis 40 ans, guitariste de Snoc et peintre baroudeur rangé des aventures depuis son retour d’Afrique. C’est l’évidence même ! Nous partirons à deux, avec ma Mercedes break chargée de pots de couleurs Unikalo, de pinceaux, de matériel artistique pour les enfants, de caisses de vins, de fromages, de madeleines et la formidable envie de se rendre utile, de vivre un trip humaniste qui a du sens pour nous.

Ce sera mi-octobre, durant 20 jours, avant l’hiver, si Poutine le veut bien d’ici là…

Ça nous laisse peu de temps pour l’organisation générale… Trouver les fonds pour (au moins) financer le trajet : 6600 km aller-retour, essence, péages, hôtels, repas, pour deux. Nous en évaluons les frais à 4000 euros.

Les WhatsApp et vidéos Zoom en direct de Mykolaïv nous confortent dans l’idée que oui, nous sommes tellement attendus ! Tout sera finement organisé pour que nous ne prenions aucun risque durant notre séjour. Hôtel réservé avec bunker sous-terrain pour les nuits, pris en charge par la mairie. Ateliers pour enfants et exposition (de mes 20 affiches en soutien à l’Ukraine) dans le Théâtre de Mykolaïv, lui aussi sécurisé par la présence d’un bunker en sous-sol.

Les workshops des kids auront lieu le matin. Nous peindrons l’après-midi sur des murs d’écoles et des abribus anti-bombes. Nous serons guidés et accompagnés la journée durant 14 jours. Ce sera intense, émouvant, et bien réel…

Ce ne sera pas à travers le prisme de nos écrans de salon…

Nous reviendrons pour témoigner de l’expérience d’un séjour inouï pour des artistes habitués au confort moderne dans un quotidien tranquille. Nous reviendrons avec en tête, à jamais, les visages de ceux qui vivent avec la peur, le courage et l’espoir de jours et nuits apaisés. Nous reviendrons avec l’idée encore plus forte que nos libertés vacillent et nos démocraties tremblent.
À nous tous de les protéger…